Leaders d’équipe : Osez la position basse pour durer
06 Dec 2017
Article written by Vincent Halluent
06 Dec 2017
Article written by Vincent Halluent
Être leader d’une équipe en contexte d’incertitude est un problème de notre époque. Toujours plus nombreux, les changements se produisent à un rythme vertigineux. De la volatilité globale des marchés aux défis du digital en passant par le changement très élevé des effectifs, la liste est longue. Comment affronter ces turbulences tout en cherchant à assurer un équilibre entre le bien-être des personnes et les performances ? Le développement de l’autonomie au poste face au client qu’il soit interne ou externe ainsi que la responsabilisation des équipes, et donc la co-responsabilisation de chacun au sein de celles-ci, constituent un élément de réponse fondamental.
Les pays scandinaves sont souvent considérés comme des modèles à suivre en matière de culture de leadership, en grande partie parce qu’ils laissent une latitude opérationnelle aux équipes. En la matière, la Belgique et la France sont encore à la traîne, quoique pour des raisons différentes. Responsabiliser les équipes exige de réorienter les missions du management de l’opérationnel vers la gestion du système des relations dans l’équipe. Réformer une culture de leadership managériale n’a rien de facile mais une conduite rigoureuse et systématique du changement apportera des résultats effectifs et les inscrira dans la durée.
Erin Meyer (2017) a dégagé au cours de ses recherches deux dimensions fondamentales du leadership : l’autorité et la prise de décision. Les attitudes à leur égard diffèrent substantiellement d’un endroit à l’autre de la planète. Les combinaisons qui en résultent façonnent quatre types de leadership qui impactent le travail en équipe de façon très différente de New York à Stockholm et de Paris à Bruxelles[1].
Bien que les structures planes et les relations informelles caractérisent le style américain (style égalitaire), le leader reste le décideur en dernier recours (style top-down). Les pays scandinaves constituent un autre exemple de cultures plus égalitaires que hiérarchiques, mais se distinguent par le fait qu’elles sont plus consensuelles que top-down. Le processus de décision engage tous les membres de l’équipe et le leader se positionne en facilitateur (position basse). A l’inverse, la France reflète un style de management qui pousse la décision vers le bas et laisse peu de place aux discussions impromptues ou au rejet. En Belgique, la décision est plus nuancée dans la mesure où les membres font entendre leur voix pour assister le processus de décision mais emboîtent ensuite le pas au leader. Dans un contexte de saturation du changement la question qui découle de cette étude peut être résumée de la façon suivante: “comment créer une relation d’égal à égal et renforcer le processus de décisions plus consensuelles et co-responsables comme culture manageriale” ?
Tout le problème est de donner aux équipes suffisamment de latitude pour réaliser les activités opérationnelles (relations clients internes ou externes et organisation globale du travail). Dans ce scénario, on attend des managers qu’ils se concentrent sur les dynamiques de groupe, sur la systémique de l’équipe, c’est-à-dire les relations entre les membres de l’équipe (conflits, triangulations, ….), et sur le respect global du cadre de travail fixé (méthode et outils, analyses et reporting, contraintes réglementaires,…). Pour tout ce qui concerne le BAU (Business As Usual), ceci suppose de déplacer le centre d’autorité décisionnel des managers vers l’équipe et pour être plus precis, vers les membres qui sont co-responsabilisés au sein de cette équipe. Par exemple : faut-il redistribuer la charge de travail entre les membres de l’équipe ? C’est à l’équipe de régler la question et de répondre au comment. Une nouvelle initiative provoque-t-elle des résistances ? C’est au manager de chercher les racines du problème et de guider l’équipe. De façon synthétique, les managers doivent adopter une position basse pour ce qui concerne le quotidien opérationnel et se centrer sur le « côté humain » pour favoriser l’épanouissement de l’équipe, surtout en période de tranformations
Faites de centaines d’interactions quotidiennes, les équipes sont des entités dynamiques. Les managers, ou plutôt les leaders d’équipes, ont tout à gagner à approfondir leur connaissance de ces systèmes relationnels complexes et des principes qui les gouvernent.
À l’évidence, les managers ne peuvent pas changer leur façon de travailler du jour au lendemain. Pas plus que les collaborateurs ne peuvent devenir autonomes parce qu’on leur demande. Selon Lencioni[2], construire des équipes cohérentes et effectives exige un effort explicite pour régler les dysfonctionnements qui affectent les dynamiques de groupe. En se centrant sur les questions de confiance, les managers peuvent aider les membres à s’ouvrir et à s’engager dans des discussions constructives. C’est la seule façon de prévenir les attitudes de retrait qui mènent à un évitement des conflits et à une harmonie artificielle. La confrontation et le débat aident à clarifier et fixer des objectives collectifs, ce qui augmente l’engagement. Quand les membres se responsabilisent les uns les autres, les standards de performance augmentent. Et quand les egos ne se substituent pas au travail et à l’esprit d’équipe, il existe une véritable possibilité de faire grandir une culture d’équipe plus égalitaire et fondée sur des valeurs collaboratives.
Transformer une culture managériale n’a rien de facile. Un tel objectif exige une approche structurée de la gestion du changement telle que la méthodologie ADKAR de PROSCI pour limiter les risques et consolider le changement à long terme. Rien n’est plus contreproductif que de déclarer le changement de culture et penser que le grand saut va se faire tout seul.
Afin d’arriver à une nouvelle culture, ce qui peut paraître paradoxal c’est qu’il y a lieu d’aider les managers à jouer leur rôle de ‘transformer’ pendant leur propre transformation culturelle. En conduite du changement, le manager donne le sens et devient l’avocat de la défense de la nouvelle culture. Il joue un rôle d’agent de liaison qui fait remonter les difficultés rencontrées sur le terrain. Il gère les résistances et bien sûr, il commence à prendre son rôle de coach en position basse dès le début de la transformation.
[1] Meyer, E. (2017) Being the boss in Brussels, Boston or Beijing in: Harvard Business Review, July-August.
[2] Lencioni, M. (2002) The Five Dysfunctions of a Team. San Francisco: Jossey Bass.
Plus que des activités, la communication, le sponsoring, le coaching et la formation ou encore la gestion des résistances sont de véritables leviers organisationnels.
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